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vernissage le 18 juillet à 19h

CEDRIC GUILLERMO
Né en 1986 à Vannes
Vit et travaille à Bignan et Paris

Les travaux de Cédric Guillermo ont au premier abord un pouvoir rafraîchissant ! Qui ne retrouverait pas les joies de l’enfance et les legos qu’il empilait devant ces « sculptures-machines » aux couleurs franches, vives et nettes, dans ces dessins « en ligne claire » inspirés des maîtres de la B.D. belge comme Hergé ou Franquin, retravaillés en numérique pour en unifier le trait et colorisés en aplats (parfois en lavis dilués) pour mieux ressembler à des objets industriels ? Lui-même, diplômé des Arts Décoratifs de Paris et designer, remonte le temps et se souvient de la première « machine » construite avec ses playmobils dont il dut inventer une partie pour la finir à son goût. Fut-ce le départ de sa carrière d’artiste ? Ce goût pour l’objet, pour la machine, il le met en pratique en se confrontant au dur travail du matériau, comme l’artiste allemand Baselitz pour ses machines « à la tronçonneuse », et construit les siennes pour les mettre en majesté.
Ceci n’est pas dû au hasard : fils d’agriculteurs, il a vécu dans un univers qu’il aime et dont il sait les difficultés. Mais, enfant, il était fasciné par l’énormité des engins dont
il joue encore à transférer les moteurs sur ses machines fantasmées (broyeur à pommes devenu Broyeur à encres), en même temps qu’il réfléchit, en bon ergonomiste, à
la fonctionnalité pour mieux en détourner la finalité, parfois vers un discours engagé anti-consumériste, voire anti-politique (Frappe de marquage, aux couleurs européennes ou à celles de la société IKEA, au choix, ou encore Lingots où l’or est remplacé par un bloc de nouilles, plus utile aux nécessiteux…) ou tout simplement vers le rêve (Eurêka, un ensemble de machineries absurdes « pour voyager »). Sur le monde rural il porte un regard presque affectueux qu’il camoufle sous des touches d’humour et d’ironie allant parfois jusqu’au grotesque. A-t-on vu une vache d’intérieur, installée sur un tapis et regardant passer les trains qui défilent sur une video…qui tourne en rond ? Vache interroge « les nouvelles normes du bien-être des animaux d’élevage sédentaires » ! Ailleurs, par jeu ou pour faire naître un doute chez le bricoleur, l’artiste confronte sur les étagères d’un magasin vrais et faux outils. D’autres fois, c’est une transposition du paysage rural qu’il suggère dans ses Cabanes, réalisées dans des matériaux de récupération et considérées comme des ateliers mobiles, qu’il plante au cœur d’une cité… Mais dans ce jeu varié d’émotions paradoxales à susciter, il faut compter aussi sur les effets de la poésie, comme celle qui se dégage de ce bateau-cargo inachevé (Supertanker) évoquant les trois univers nautiques de sa Bretagne natale –  plaisance, sport et commerce  – et … celui du visiteur qui veut embarquer !

En résidence
Pendant les six semaines de sa résidence à l’Usine Utopik, Cédric Guillermo va produire deux aspects de son travail : côté sculpture, et dans la continuité de sa démarche de détournement ludique des objets industriels (on peut aussi y voir un hommage au couple Becher, photographes documentalistes de gigantesques cuves métalliques), il construit deux cuves rondes en acier évoquant le monde rural (silos à grains par exemple) ou les réservoirs utilisés dans la fabrication du cidre, ancienne destination de l’espace où il travaille, avant qu’il ne devienne centre de création contemporaine. Par association d’idées, du fruit il vient vite à l’épluchage et « épluche » l‘une des cuves avant de découper l’autre en rondelles… Dans un deuxième temps, l’artiste revient à la peinture et propose une réécriture, voire une réinterprétation personnelle des planches de fruits et végétaux destinés autrefois aux scolaires, dans un travail graphique raffiné utilisant cette difficile technique qu’est l’aquarelle, ou bien recouvre simplement des affiches ou des gravures existantes dont les motifs se mêleront par transparence à son nouveau travail, à la façon d’un palimpseste, pour interroger l’avenir (?) de l’agriculture.

 

HERYUN KIM
Née à Changwon
Vit et travaille à Paju (banlieue nord de Séoul)

Le travail de Kim, dont certaines œuvres font déjà partie des collections des musées nationaux de Corée du sud, célèbre le mariage heureux de la tradition asiatique et de l’art pictural européen, préparé par un double cursus de littérature allemande à l’université de Séoul et d’arts plastiques à celle de Berlin où elle séjourne plusieurs années, voyageant par ailleurs dans toute l’Europe avant de se fixer de nouveau en Corée. Si l‘écrit l’inspire et stimule son imaginaire, c’est dans la pratique plasticienne que l’artiste épanouit son expression, intellectuelle mue par « l’instinct de survie » dans sa quête du lien avec la nature. La peinture, selon elle, demande un engagement physique, qu’il s’agisse de travailler sur de grands formats, réalisés parfois au sol, ou simplement de tremper la brosse de façon répétitive dans le pot d’encre ou de peinture, processus aussi organique que naturel : c’est en quelque sorte une gestion par le corps qui permet l’équilibre entre le corps et l’esprit. « Sa création, dit-elle avec humour, c’est entre sport et poésie ». Sa connaissance des arts est partout perceptible dans son œuvre qui peut évoquer notamment les lignes simples du Russe Malevitch ou du Français Matisse, les empâtements dynamiques de l‘Allemand Emil Nolde ou, dans ses installations, en moins froid, moins logique et plus féminin, les « objets spécifiques » de l’Américain Donald Judd, destinés à stimuler les facultés perceptives. Au-delà du riche travail de la couleur, raffiné dans ses variations et toujours renouvelé dans l’épaisseur ou la transparence –  parfois des transparences superposées  –  l’artiste confirme l’héritage des traditions asiatiques par l’importance primordiale donnée à la ligne qui est mouvement, dispensatrice d’énergie, plus que contour. La ligne précise, indique, suggère ou détourne dans un graphisme minimal, souvent symbolique,  – ici une ligne d’horizon, là une barque, un barbelé ou une échelle  – ou fait surgir une rose ou un lotus qui semblent exhaler un parfum voilé. Toujours dans un rapport juste entre le signe et l’espace. Souvent le motif – dans Moon Garden, feuilles, fleurs ou fruits décontextués – est redit en série avec ses modulations, la répétition considérée comme moyen d’entrer dans la profondeur des choses, méthode de concentration et de méditation pour trouver le « cosmos » dans l’infinitésimal. S’exprimant sur la jeune peinture expressionniste allemande, le critique d’art Georges Waldemer écrivait : « La peinture allemande est un langage de l’âme avant d’être un problème de forme. » Celle d’Heryun Kim est celui de l’esprit.

En résidence
Entrer en résidence, pour Kim, « c’est comme entrer en ermitage ». Cinquante jours pour méditer sur les éléments d’un florilège qu’elle a sélectionné dans l’environnement tout proche et le sublimer dans son travail. Pas seulement par manque de temps mais aussi parce qu’elle permet une traduction minimaliste, l’obligation d’aller à l’essentiel, (elle l’utilise aussi pour l’esquisse de ses travaux à l’huile), elle décide de réaliser des peintures à l’encre coréenne parce que le blanc et le noir profond (de Nolde à Soulages on peut trouver de nombreux virtuoses de ces contrastes !) « c’est simple, propre, spontané ». Le premier thème, « le cerf-volant de Noé » (le cerf-volant est considéré par les Asiatiques comme une métaphore de l’air et du vent) exigeait un matériau léger : elle choisit comme support le papier coréen Hanji, tiré du mûrier, fabriqué à la main, esthétique et transparent comme la peau, veiné et fragile comme l’être humain. A partir de fleurettes cueillies sur le chemin, qui l’intéressent plus pour leur forme que pour leur couleur, elle compose une série calligraphique répétitive mais toujours renouvelée, où la corolle se présente davantage comme une figure géométrique, voire une figure de l’esprit. A côté de cela, ayant passé une journée à « dialoguer » avec les deux oliviers qui poussent dans la cour de l’Usine Utopik, comme pour un clin d’œil fraternel à Matisse, elle dessine ses rameaux d’olivier, créant son propre « arbre de vie ».

Odile Crespy

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