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vernissage le 16 mai à 19h

Régis GONZALEZ
né en 1976 à Chambéry
vit et travaille à Saint-Etienne

« Celui qui se fait bête se débarrasse de la douleur d’être homme. »    Hunter S.Thompson

« Je suis un faux calme. », avoue l’artiste savoyard dont le visage aimable et lisse, la voix grave et posée ne laissent pas deviner les tourmentes obsessionnelles qui l’ont détourné progressivement de la ligne de vie toute tracée à laquelle l’avaient préparé ses études commerciales puis celles de futur professeur de dessin.

Avide des atmosphères oniriques et horrifiques de « midnight movies » et autres films de vampires, des ambiances glauques et étouffantes – on cite au hasard La Nuit du Chasseur (Charles Laughton), Phantom of the Paradise (Brian de Palma) pour les formes « douces », Maniac (William Lustig), Même les nains ont commencé petits (Werner Herzog), les bandes dessinées « hardcore » américaines ou françaises de Jodorowsky à Richard Corben (ce qui n’empêche par la référence aux talents que sont Moebius ou Druillet) ; adepte aussi des musiques hip hop des bas-fonds au contenu subversif, l’artiste a d’abord constitué son entregent dans  l’underground musical ou plasticien des réseaux sociaux avant d’édifier sa propre matière à partir de ses propres photos et de ses propres fantasmes. Il développe en plasticien une « sensibilité individualiste » inspirée des théories du philosophe Georges Palante, ce qui ne l’empêche pas, lui non plus, de rejeter tous les égoïsmes pour développer une pensée généreuse qu’il traduit dans son aspiration à être « un peintre populaire » . « Ennemi du bon goût » et persuadé qu’il faut « empêcher », selon le mot de Camus, la bête qui est en nous, il se livre à une forme d’exorcisme, d’exégèse narrative (dont il se garde de donner la clé), dans ses portraits ou ses paysages mentaux.

Si ses thèmes sont puisés dans le fonds de l’exploration artistique contemporaine, il acquiert en partie sa maturité technique par l’observation minutieuse des portraits de la peinture dite « classique », souvent dédaignée par les nouveaux plasticiens. Avec humilité il cherche à s’approprier les clairs-obscurs du Caravage ou les tons verdâtres et lugubres des tableaux du Greco, tons de la décrépitude des chairs, qu’il associe à ses techniques autodidactes et ses fausses perspectives. Il confère ainsi plus de force et de mystère aux visages lourds, graves, inquiets et inquiétants des enfants qu’il prend pour modèles – « c’est là, dit il, qu’on trouve l’animalité la plus véridique » – à ces femmes éventrées, muselées ou vautrées dans leur chair qui révèlent le plus de vie et peut-être de vérité, à ces bourreaux chauves ou cette planche d’outils tranchants – « objets de désir » – qui sont autant d’objets de mort. Car l’artiste voit la mort, insinuante et insidieuse, dans chacun des sujets qu’il exploite souvent dans des facettes ou postures différentes mais il ne tombe jamais, « parce qu’il les aime », dans le total monstrueux, en leur affectant un zeste d’humanité. Par ailleurs, il fait diversion dans l’improvisation de paysages tirés du chaos et d’un magma d’encre de Chine répandue sur des cartes à gratter qui deviennent miraculeusement forêt, vallée ou marais, d’où la présence de l’homme est exclue, où seul plane l’esprit créateur.

En dehors d’expositions régulières, notamment à la galerie Domi Nostrae de Lyon et à la galerie Mur Nomade de Hong Kong où il a participé à une performance éphémère avec l’artiste chinoise Tsang Chui Mei, il prolonge son activité de plasticien dans l’écriture de nouvelles  « très visuelles », dont un recueil sera publié prochainement.

Résidence

Invité « en résidence » pour six semaines à l’Usine Utopik, Régis Gonzalez s’immerge totalement dans son projet : seul, le passage d’un groupe de collégiens de Tessy-sur-Vire qui vont lui servir de « modèles » a pu le distraire de sa retraite. Le directeur artistique du Centre ayant suggéré, commémoration oblige, le thème de la guerre, l’artiste investit tout un mur pour en restituer le bruit et la fureur. Au centre du panneau, il campe l’Homme (militaire, dictateur ?) qui vient au devant de vous, tenant par la main un enfant au visage déjà altéré. Symétriquement, venant de la droite et de la gauche, deux femmes déplient leur robe comme un rideau de scène, un voile ou un linceul. La première, enceinte, paraît avoir engendré cette bande de gamins turbulents qui jouent à la guerre en maniant des armes improbables et se ruent avec une rage ludique vers le militaire (la guerre ?). L’autre femme (la mort ?) paraît attendre… Au dessus de chacune d’elles planent les images d’un vautour et d’un panda carnassier (l’auteur veut-il éviter ainsi les interprétations plus attendues et trop simplistes que seraient celles d’un aigle ou d’un lion ?). On peut comprendre que l’artiste s’est raconté une histoire, issue de son vécu personnel. Mais il n’en donne pas la clé. Au contraire il brouille les pistes par des éléments narratifs anachroniques et un traité graphique hétérogène qui s’entremêlent (ou non), évitant toute datation, toute référence lisible.

Sur le mur d’en face, l’artiste propose au public un jeu qui pourrait évoquer malicieusement le test psychanalytique de H. Rorschach : interpréter des photographies retournées à la verticale, captées sur les bords de la Vire.

Odile Crespy

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