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Du 03.05.2024 au 07.07.2024

Mon dispositif de production repose sur le principe du monotype (trace unique réalisée par le contact entre une toile chargée de peinture et un papier). Je verse du liant et saupoudre des pigments sur la toile que je recouvre d’une feuille. Cette dernière s’imprègne, s’imbibe, se gorge de liant. Le dessin prend alors le relais. Au crayon à papier gras et aiguisé, je trace, je grave, j’incise cette feuille qui, par adhérence, permet un prélèvement de matière qui se colle sur le papier. Ensuite, je positionne ce monotype chargé de peinture encore fraîche sur une nouvelle toile, et par un nouveau dessin répétant les lignes du premier graphisme, je dépose une empreinte. Le monotype est à la fois le résultat et l’outil, tel un « pinceau » qui laisse son empreinte. La toile peut recevoir de multiples empreintes qui se superposent. L’acte du monotype, sorte de peinture à l’envers qui conjugue action et image, relève d’un geste rituel, magique et symbolique. Ce déplacement de matière qui formera une image en « glissant » de la toile comme matrice au papier comme support définitif (et vise versa), cherche à inverser « l’ordre des choses » de la peinture car le dessin devient l’achèvement de l’acte pictural. La répétition de cet acte de transfert amène à un travail en série, dépendant souvent de la quantité instable et inégale de la peinture. Ce dispositif récurrent dans mon travail questionne la naissance de la forme et de l’image (ici, le crâne et le visage) et met en tension les notions d’apparition et de disparition. J’emprunte (autant que « j’empreinte ») à Georges Didi-Huberman les concepts de « figure figurante » et « d’état naissant » qui interrogent la notion même d’image. L’apparition/disparition du motif est due à la déperdition du dépôt de matière qui conduit l’empreinte du crâne (tête ou visage parfois) jusqu’à son élision. Cette disparition de la forme, telle une face qui se dérobe, relève pour moi autant de l’ordre du processus pictural que d’une thématique tournant autour de la question du visage. Cela renvoie aux « saintes faces » (Suaire, Vera Icona, Mandylion, etc.).

Les titres des œuvres sont issus systématiquement d’articles du journal sportif L’Equipe, dont les feuilles me servent à protéger les productions. Ce système, au départ purement utilitaire de rangement et de protection, s’est imposé grâce aux significations imprévues, mais qui sont singulièrement signifiantes pour moi, que peuvent prendre ces expressions dramatisées et stéréotypées et ces images corporelles. De plus, il me semble évident que le vocabulaire, les expressions et le contenu des messages entretiennent des analogies étroites entre ce que je pense de mon attitude artistique et une attitude sportive (le rapport à l’idée de système, à la répétition, à la maîtrise gestuelle permettant le dessaisissement de son propre corps). J’espère aussi visualiser autant l’exploration constante du motif du crâne que celle du dispositif pictural qui tente de déployer son épaisseur. C’est une attitude artistique et un engagement plastique. C’est la pratique picturale et surtout son analyse dans sa « déconstruction » qui sont au centre de mes préoccupations esthétiques.

Réunir ces travaux sous forme de livre est un autre moyen d’exposer, permettant de rendre visible le verso dessiné. Un ensemble de petits frottages accrochés en grille, intitulé Mettre le monde dans ma tête, est aussi présenté et correspond à une pratique graphique de voyage.

Le titre de cette exposition, Toujours en chantier, indique que ces différentes pratiques sont en constante transformation.

Ronan DESCOTTES, 14.10.2023

©Ronan DESCOTTES
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